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Les différentes facettes de l’impact territorial de la Manufacture de Couleuvre

Entretien avec Sophie Salager, dirigeante

T&F Investissement

Reprise en 2022 par Sophie Salager, la Manufacture de Couleuvre sauvegarde depuis deux siècles les savoir-faire locaux et singuliers de la porcelaine teinte dans la masse. Soutenu par Terre & Fils Investissement, ce projet entrepreneurial audacieux réussit désormais à conjuguer un ancrage territorial fort et un rayonnement plus large, en s’appuyant sur une démarche historique et créative qui fait vivre l’art de la table à la française.

© L. Casanova

Comment la Manufacture de Couleuvre s’inscrit-elle désormais dans le maillage économique local ?

La reprise de la Manufacture de Couleuvre avait pour principal objectif de sauvegarder les savoir-faire historiques de la porcelaine teinte dans la masse qui ont fortement marqué le Bourbonnais durant le XIXe siècle, et de maintenir ainsi l’activité économique locale. Ce projet a été très bien accueilli, notamment par la mairie de Couleuvre : le rayonnement de la manufacture est en effet un véritable levier de développement pour la commune, et même plus largement à l’échelle régionale et nationale.

© L. Casanova

Aujourd’hui, nous voulons aussi  tisser des liens robustes avec les entreprises de la région pour renforcer notre ancrage territorial et revitaliser nos savoir-faire. Récemment, nous avons par exemple collaboré avec deux artisanes verrières, un atelier de ferronnerie d’art ou encore une entreprise de pianos de cuisson, tous implantés localement. Dans le cadre de ces partenariats, nous sommes amenés à tester de nouvelles techniques et à réaliser des mélanges inédits. La démarche Recherche et Développement prend alors tout son sens. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec un designer produit et un designer prototypage. Au-delà des enjeux de pérennisation qui sont bien sûr essentiels pour la stabilité économique de l’entreprise, la créativité est au cœur de notre projet.

Quels liens les habitants de la région entretiennent-ils avec la Manufacture ?

La Manufacture de Couleuvre tient aujourd’hui une vraie place dans la perception collective du territoire par ses habitants. Le magasin d’usine est ouvert 5 jours par semaine : nous accueillons des touristes, surtout l’été, mais aussi des groupes, des associations, des écoles ou tout simplement des locaux qui souhaitent faire un cadeau. Il y a même des personnes qui viennent pour compléter un service dont elles ont hérité par exemple de leur grand-mère, et dans lequel il manque telle ou telle pièce. C’est pour cela que nous avons choisi de rééditer des pièces iconiques des collections antérieures.

© L. Casanova

Le grand public et en particulier beaucoup de jeunes viennent également visiter la manufacture lors des Journées du Patrimoine et des Journées Européennes des Métiers d’Art. Grâce à ces manifestations, aux articles dans la presse ou encore aux livres comme celui de Julie Limont ou Bénédicte Bortoli, les savoir-faire de la porcelaine commencent petit à petit à intéresser sérieusement les gens, non seulement parce qu’ils racontent l’histoire de leur territoire, mais aussi parce qu’ils offrent de belles opportunités d’emplois – ce qui est un réel atout dans le contexte économique local.

© L. Casanova

Comment mobilisez-vous le tissu local pour répondre aux enjeux de formation et de transmission ?

Nos savoir-faire sont très spécifiques. Que ce soit pour la réalisation des moules, le coulage, le séchage ou l’émaillage, nous avons donc fait le choix de réaliser les formations en interne, en faisant appel à d’anciens salariés de l’entreprise qui maîtrisent encore ces savoir-faire. Aujourd’hui, sur 17 collaborateurs, 3 sont en reconversion professionnelle. La pérennisation de la main-d’œuvre est un vrai enjeu pour nous, car elle garantit la sauvegarde des gestes et de la production.

Nous accueillons également en stage des élèves du lycée technique d’Yzeure qui propose une filière professionnelle dans les métiers du feu. Ce partenariat est indispensable pour sensibiliser les jeunes aux avantages qu’il y a de travailler dans les savoir-faire locaux : la satisfaction personnelle de réaliser des objets d’exception, de maîtriser des techniques séculaires, d’en créer d’autres, mais aussi la douceur de la vie à la campagne et la redécouverte de son territoire.

© L. Casanova