Agir
Septembre 2023
T&F
L'Institut National des Métiers d'Art (INMA) lance un projet de grande envergure nommé Les Éclaireurs. L’objectif est, pour la première fois, d’interroger, réunir et structurer les différentes données afférentes au secteur des métiers d’art, et des métiers témoignant d’un savoir-faire de haute-technicité. La perspective est claire : mieux comprendre leur impact et leur poids économique afin d'apporter des réponses adaptées aux problématiques de l'écosystème des savoir-faire sur tous les territoires.
Xavier Long, directeur délégué de l’INMA, répond aux questions de Terre & Fils, membre du comité de pilotage du projet.
L’idée générale est assez simple : nous souhaitons être plus précis pour être plus pertinents (et mieux agir). Il est pour l’instant difficile de traduire économiquement la réalité complexe des métiers d’art : il faut croiser beaucoup de sources différentes et définir les termes. Qui sommes-nous ? Combien sommes-nous ? Quel poids économique représentons-nous ?
Pour l’INMA, l’enjeu est aussi d’accompagner la professionnalisation du secteur. D’une certaine façon, il s’agit de faire sortir les métiers d’art de leur cocon douillet auquel on les assigne souvent pour les mettre en lumière comme des acteurs à part entière de la vie économique.
© Augustin Détienne / INMA
Cerner et quantifier cette réalité répond à des enjeux éminemment territoriaux. On voit bien que chaque savoir-faire renvoie à des ressources géographiques et des spécificités locales. Les collectivités ne se sont pas encore emparées du sujet, mais le label EPV, par exemple, a bien amorcé cette démarche de valorisation à travers les associations régionales.
© Eglantine Aubry / INMA
L’objectif est de mieux tenir compte de ces spécificités territoriales en menant une décentralisation de la gouvernance
L’étude des Éclaireurs permettra d’approfondir et de préciser ces actions engagées. L’objectif est de mieux tenir compte de ces spécificités territoriales en menant une décentralisation de la gouvernance, afin de réduire encore les points de focalisation. Cela permettra de renforcer les réseaux et d’agir de façon efficace, à la bonne échelle.
Définir un nouveau périmètre de façon transverse sur les métiers d’art et du patrimoine vivant va faire bouger les lignes de ce qui est institué. Il y a une vraie dimension politique, au sens noble du terme, car l’enjeu, c’est de faire travailler les différents acteurs vers le même objectif en permettant à chacun d’y trouver son intérêt.
Il s’agit d’impulser une dynamique fédératrice, en élaborant notamment les outils pertinents au regard des besoins de développement des entreprises ; ce qui est au cœur du projet porté par Luc Lesénécal, président de l’INMA et chef d’entreprise, et Anne-Sophie Duroyon-Chavanne, sa directrice générale, depuis 2020.
La première difficulté a été de mobiliser les différents acteurs en leur faisant comprendre que malgré leurs divergences, il était désormais nécessaire de se réunir autour d’une même table pour avancer ensemble. À ce titre, on peut saluer la démarche de la Fondation Bettencourt Schueller, qui a vraiment donné l’impulsion au projet.
Nous nous appuyons sur un comité de pilotage qui est en charge de la prise de décision (NDLR : INMA, Fondation Bettencourt, ministère de la Culture, Comité Colbert, Terre & Fils) et sur un comité scientifique (NDRL : Le Bureau du Design, de la Mode et des Métiers d’Art de la Ville de Paris, Le Département des Études, de la Prospective et des Statistiques du ministère de la Culture, Territoires d’Industrie, l’AFDAS, l’Université de Nanterre) qui vient apporter un regard expert sur la façon dont on doit traiter les données, dont on périmètre l’étude et dont on doit critériser les entreprises.
Nous consultons ensuite les acteurs territoriaux et chacune des filières. Ici encore, l’enjeu est de saisir les problématiques spécifiques afin de mieux y répondre. Les métiers du bâtiment sont un bon exemple : comment délimiter les frontières entre artisanat du bâtiment, métiers d’art et industrie ? Nous nous efforçons d’avoir un regard précis sur les métiers. Pour cela, nous consultons les acteurs afin d’obtenir des données sur les entreprises et d’agréger l’ensemble des résultats.
Lorsque nous aurons synthétisé toutes ces informations avec des apports extérieurs et les chiffres de l’enquête, nous définirons les 4 ou 5 questions qui vont nous permettre de nous assurer que nous sommes bien dans le périmètre défini. Une fois que cette base sera définie, nous pourrons mener une enquête ciblée plus approfondie.
Il y a un fort enjeu de visibilité des résultats et de partage autour de la démarche pour montrer que c’est un vrai travail collectif.
Selon moi, l’enjeu majeur c’est de bien personnaliser les indicateurs pour les rattacher directement aux enjeux qui sont partagés par les acteurs du secteur. On doit pouvoir proposer une lecture analytique des indicateurs et fournir des outils aux entreprises pour qu’elles puissent ensuite enclencher des actions concrètes.
© Augustin Détienne / INMA
Il est important de ne pas s’arrêter à une lecture chiffrée mais bien faire de ces résultats un outil de réflexion et d’émergence de projets. Dès la restitution, c’est notre responsabilité de s’assurer que les décideurs de l’écosystème – ministères, collectivités, financeurs – comprennent ce qu’ils vont pouvoir faire de ces chiffres et comment mieux calibrer leur action.
Selon moi, l’enjeu majeur c’est de bien personnaliser les indicateurs pour les rattacher directement aux enjeux qui sont partagés par les acteurs du secteur.
Un dernier point : cette étude aura sans doute des impacts que nous n’aurons pas anticipés. Des effets collatéraux que l’on n’imagine pas encore, mais qui seront la conséquence de cette étude.
Au-delà des chiffres, tout ce travail a pour but de nourrir une dynamique et de créer du mouvement.