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Marier les savoir-faire et l’industrie 4.0, le pari gagnant de Chamatex Group

Terre & Fils Investissement soutient Insoft et ASF 4.0, les deux filiales footwear du groupe ardéchois

T&F Investissement

Depuis le printemps 2023, Terre & Fils Investissement est heureux d'accompagner cette démarche entrepreneuriale originale, qui prouve que la sauvegarde des savoir-faire nécessite de plus en plus de faire appel aux nouvelles technologies. Mais il est vrai que cette interaction soulève encore bien des questions. Car dans l'imaginaire collectif, les savoir-faire manufacturiers, comme leur nom l'indique, sont avant tout une histoire de main d'œuvre et de main tout court. L'irruption des robots dans l'atelier ne signe-t-elle pas la perte de ces savoir-faire ?


Texte : Marie Formarier – photos : Chamatex

Artisanat et industrie, fabrication manuelle et robotique, tradition et innovation, local et international… Le groupe ardéchois Chamatex Group, dirigé par Gilles Réguillon, « renverse la table » en proposant un modèle de développement singulier et compétitif.

Si les deux filiales du pôle footwear de Chamatex Group répondent à des logiques distinctes, la perspective envisagée est globale, comme le souligne Jean-Sébastien Decaux, président fondateur de Terre & Fils Investissement : « nous souhaitons faire rayonner la capacité d’Insoft et d’ASF 4.0 à concilier innovation, qualité, responsabilité et circuits courts, et contribuer à soutenir cet entrepreneuriat ancré dans les territoires et à taille humaine ». source

© Chamatex

La (ré)conciliation de l’artisanat et de l’industrie dans l’histoire romanaise de la chaussure

À travers la coordination de deux modèles de développement, manufacturier et industriel, Chamatex Group s’inscrit en réalité dans une tradition territoriale qui ne date pas d’hier. En effet, Romans-sur-Isère est la ville de la chaussure et du cuir depuis le développement des corporations de métiers au Moyen Âge. L’abondance de l’eau, des peaux issues de l’élevage et des écorces de chênes utilisées pour les tanins sont autant de ressources locales qui ont contribué au déploiement des filières du cuir et du textile dans la région.

Une « industrie rurale domestique »

La révolution industrielle change quelque peu le paysage au XIXe siècle, avec l’arrivée du chemin de fer et de la mécanisation. Néanmoins, l’écosystème romanais affirme dès cette époque sa spécificité. Pour reprendre les termes de la chercheuse Marjolaine Gros-Balthazard, « prenant la forme d’une proto-industrie, [le développement de la filière de la chaussure] se traduit non pas par la naissance de grandes entreprises telles qu’engendrées par la révolution industrielle, mais par la coexistence de nombreux petits ateliers : une industrie rurale domestique. » (source)

C’est cette conciliation de la production manufacturière et des enjeux industriels qui permet à la filière de résister tant bien que mal à la concurrence de plus en plus internationalisée. Toutefois, le tissu économique est extrêmement fragilisé à partir des années 1990 et 2000, comme l’illustre le déclin du nombre d’emplois (1400 en 1993, moins de 200 en 2007). Encore récemment, les difficultés rencontrées par l’entreprise Clergerie, pourtant emblématique du secteur, montrent l’urgence de la situation – et des solutions à imaginer.

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Les stratégies de développement du pôle footwear de Chamatex Group, entre ancrage territorial et innovation

Les différentes stratégies menées par Chamatex Group pour développer ses deux filiales footwear sont le fruit d’une véritable réflexion autour des enjeux de la mondialisation du marché, auxquels il est désormais difficile d’échapper. L’objectif premier est de maintenir, voire d’accroitre l’offre d’emplois sur le territoire. Un réel défi, car la délocalisation massive de l’industrie textile est largement motivée, comme on le sait, par la recherche d’une main-d’œuvre bon marché. Cette internationalisation de la production entraîne en outre une complexification et une fragmentation de la chaîne de valeur.

Pour rester concurrentielles, beaucoup d’entreprises ont pris le parti de restreindre leur part de marché et d’intégrer exclusivement le circuit de la maroquinerie de luxe. Ce n’est pas le choix fait par Chamatex Group. Le groupe entend bien s’affirmer comme un acteur incontournable de la chaussure de sport, à la fois technique et accessible.

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Mais comment Insoft et ASF 4.0 peuvent-elles faire face à la concurrence asiatique ?

Insoft s’appuie sur un outil de production de plus en plus robuste et des savoir-faire transmis depuis des générations, aujourd’hui réactualisés. Le principal enjeu pour l’atelier est de vitaliser ce mode de fonctionnement en lui insufflant une nouvelle dynamique qui correspond davantage aux enjeux écologiques et aux besoins des consommateurs. Ainsi, la gamme Ector joue la carte de l’éco-responsabilité et de la proximité. La recherche et l’innovation apportent une réelle valeur ajoutée aux produits.

ASF 4.0 va plus loin encore. La start up ardéchoise a d’ailleurs reçu le prix de l’usine 2023 décerné par la magazine l’Usine Nouvelle, notamment pour sa ligne de production automatisée à 80%. La digitalisation et la robotisation permettent, bien entendu, une réduction drastique des coûts de main-d’œuvre. Mais elle soulève une vraie question : l’industrie 4.0 peut-elle vraiment sauvegarder les savoir-faire et les emplois ?

Si le travail de la main déserte l’atelier, qui transmettra les gestes et l’expertise qui ont fait la renommée de la filière française de la chaussure et du cuir ?

Avec cette stratégie de développement singulière, ASF 4.0 change en réalité de paradigme. Si les savoir-faire s’expriment de façon plus ciblée dans la production, en particulier pour les étapes qui ne peuvent pas être automatisées, ils sont également déterminants dans les phases de conception et de prototypage. Par ailleurs, si la productivité et la rentabilité restent des objectifs déterminants pour la pérennité du projet, ASF 4.0 se démarque du marché mondialisé par le caractère pointu et technique de ses chaussures, sa réactivité et sa capacité à fabriquer des petites séries pour répondre à des besoins spécifiques. Loin de la production de masse standardisée…

Deux modèles distincts et complémentaires. Et un point commun essentiel : l’ancrage territorial. Celui-ci ne se résume pas à un code postal, mais s’appuie sur un véritable écosystème. Pour reprendre les termes de la chercheuse Marjolaine Gros-Balthazard, « l’ancrage territorial assure la combinaison entre le temps court de la concurrence internationale et le temps long des territoires. Mais c’est parce qu’il s’inscrit dans cette perspective de temps long, qu’il ne doit pas paraître immuable. » (source)

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Cet ancrage territorial est donc indispensable pour concilier local et international, rapidité d’action et travail de réflexion, spécificité du marché et rayonnement à l’échelle mondiale.

Les filiales de Chamatex Group créent avant tout de la valeur à partir du patrimoine et des ressources du territoire, en s’appuyant sur un réseau d’acteurs économiques de proximité. Cet ancrage s’enrichit au fur et à mesure des avancées de la recherche et de l’innovation. Selon des proportions distinctes dans les deux modèles de développement, mais toujours avec cet objectif de défendre une production qualitative, responsable, différenciante… et française.