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Récits de savoir-faire, le dispositif de médiation culturelle en milieu rural est lancé

T&F

Depuis mai 2022, Familles Rurales et Terre & Fils travaillent main dans la main dans le cadre de l’appel à initiatives Récits de Savoir-faire. Depuis le lancement, ce sont 6 projets qui ont été retenus et qui sont accompagnés pour faire émerger en milieu rural, des projets de médiation culturelle qui font vivre la mémoire des savoir-faire locaux, favorisent leur transmission et suscitent l’envie d’entreprendre pour leur réinvention. Interview croisée avec Dorothée Cognez, Conseillère vie associative et Outre-mer chez Familles Rurales, et Ariane Vitou, Directrice des partenariats et de la communication chez Terre & Fils.

Dorothée, vous êtes Conseillère technique en développement local et vie associative chez Familles rurales, une fédération d’associations qui agit en faveur des familles en territoire rural et périurbain. Pourriez-vous nous expliquer le besoin auquel vous vous adressez, et vos modalités d’actions ?

Dorothée Cognez : En tant que fédération nationale, nous représentons les familles des territoires ruraux. Nous connaissons leurs besoins, et le potentiel qu’elles représentent pour redynamiser le territoire. La fédération nationale soutient les fédérations départementales et régionales, qui elles-mêmes, soutiennent les associations locales. Ces fédérations locales ont donc une vraie connaissance du terrain et permettent de répondre aux besoins au plus près des habitants. Notre fédération nationale a à la fois un rôle de représentation de ces structures, de support et de mise en réseau. Nous recherchons des financements pour leur permettre de mener des actions, nous les outillons en matière de gestion de projet et nous permettons aux équipes ancrées sur le territoire de développer des compétences.  

Avec ce projet commun, notre objectif est de mettre en lumière les savoir-faire du territoire et de leurs habitants, pour révéler leur potentiel.

Dorothée Cognez, Conseillère technique en développement local et vie associative chez Familles rurales

Terre & fils et Familles rurales se sont associés pour revaloriser les savoir-faire en milieu rural à travers un appel à initiatives : Récits de savoir-faire. Quel est, pour vous, le rôle des savoir-faire dans la régénération des territoires ?

DC :  Avec ce projet commun, notre objectif est de mettre en lumière les savoir-faire du territoire et de leurs habitants, pour révéler leur potentiel. De plus, nous sommes au cœur de notre mission : créer du lien social entre les acteurs et les familles du territoire.  Tout patrimoine culturel est un outil pour créer du lien social afin de permettre le vivre ensemble à travers l’intergénérationalité, la mixité sociale et aussi l’appartenance à son territoire. Mais à travers ce projet, l’enjeu est aussi de toucher les jeunes. Souvent, ces savoir-faire sont détenus par les anciens et ignorés par la nouvelle génération. Récits de savoir-faire permet de nous interroger sur les leviers de transmission à la jeunesse qui, bien souvent, quitte le territoire pour partir étudier ou travailler en milieu urbain. Aussi, si ce projet intergénérationnel peut contribuer à développer l’emploi grâce à une meilleure transmission des savoir-faire, ce serait notre pierre à l’édifice. 

Ariane Vitou : Le rôle de Récits de savoir-faire est vraiment protéiforme : il y a une vraie volonté de conjuguer la dimension culturelle avec le lien social, et de révéler aussi le potentiel économique et environnemental des savoir-faire. Parce que nous voulons témoigner d’une approche nouvelle des savoir-faire en résonance avec les enjeux sociétaux d’aujourd’hui. Et travailler à redonner conscience d’un patrimoine parfois trop figé, en permettant la création de dispositifs qui mettent en mouvement les territoires. Les savoir-faire doivent être abordés comme un vecteur de mobilisation, de créativité et d’imagination au service du territoire.  

Parce que nous voulons témoigner d’une approche nouvelle des savoir-faire en résonance avec les enjeux sociétaux d’aujourd’hui. Et travailler à redonner conscience d’un patrimoine parfois trop figé, en permettant la création de dispositifs qui mettent en mouvement les territoires. Les savoir-faire doivent être abordés comme un vecteur de mobilisation, de créativité et d’imagination au service du territoire.  

Ariane Vitou, directrice de la communication et des partenariats chez terre & Fils

Récits de savoir-faire, c’est un appel à initiatives de projets de médiation culturelle. Six projets sont accompagnés par Terre & Fils et Familles rurales pour faire émerger la parole des habitants en milieu rural autour des savoir-faire. Comment ces habitants s’emparent de ce sujet ? 

DC :  Les habitants s’emparent de ce projet de deux façons différentes. D’une part, nous avons des projets qui étaient déjà dans une démarche de sensibilisation aux savoir-faire que cet appel à initiative vient consolider et pérenniser. Je pense à l’écomusée de la Barbuise qui a pour mission de sauvegarder et transmettre des outils et des pratiques professionnelles rurales, en usage jusqu’au milieu du siècle dernier. Récits de savoir-fairevient les soutenir pour aller encore plus loin, en créant un parcours pédagogique autour du blé, de la semence à la confection de pain avec des producteurs locaux. D’autre part, nous avons des structures qui ont été encouragées par cet appel à initiatives pour justement travailler sur les savoir-faire et leur transmission. Récits de savoir-faire vient alors insuffler chez eux une nouvelle dynamique. Je pense par exemple au projet « L’asperge dans tous ses états » en Sologne :  il y avait déjà un travail entre les jeunes et les résidents de l’Ehpad du territoire mais Récits de savoir-faire vient impulser un tournant autour du partage d’un récit mobilisateur qui traverse le temps.  

AV : En effet, ces projets témoignent de la pluralité de la transmission. C’est cela qui nous intéresse : montrer la diversité des dispositifs de médiation et d’engagement des habitants des territoires ruraux. Nous accordons une attention particulière à la dimension sensible et narrative : permettre de refaire des gestes, d’aller au contact d’espèces naturelles ou de pratiques méconnues mais aussi interroger les acteurs du territoire et les anciens, en d’autres termes encourager la capacité de s’approprier à la fois une pratique et une mémoire. Nous travaillons vraiment à lier les deux pour montrer comment ce savoir-faire raconte quelque chose de singulier sur l’histoire et la géographie du territoire et permet un changement de regard des habitants sur leur terre d’ancrage. C’est en cela que cet appel à projet peut créer du sens pour les habitants qui ne connaissent pas toujours le lien entre territoire et savoir-faire. Par exemple, nous avons un projet sur l’ail rose dans le Tarn qui va permettre de composer d’anciennes recettes à plusieurs mains et de se réapproprier la légende qui est née sur le territoire. Les habitants s’inscrivent alors de nouveau dans ce récit séculaire qui fait vivre des représentations singulières du territoire. Ils vont être invités, par le récit, à créer leur propre représentation de ce savoir-faire.

L’écomusée de Barbuise

Vous parlez de « nouveau récit commun autour des territoires ». Pour vous, il y a un véritable besoin de fédérer autour d’un nouveau récit des savoir-faire. Pourquoi ?

AV : Ce sont ces nouveaux récits qui donnent du sens aux dynamiques locales. Ils permettent de créer du mouvement en liant hier, aujourd’hui et demain, de prendre conscience des évolutions qui traversent le territoire. En partant du territoire et de leur singularité, les habitants peuvent s’approprier leur patrimoine et composer la suite du récit collectif. Ce qui ressort dans les projets retenus, c’est l’importance du récit pour créer du lien. Les dispositifs permettent de mettre en mot une histoire commune à l’échelle locale, qui intègre le présent à travers de nouvelles façons de « faire ensemble ».

DC : Effectivement, c’est tout l’intérêt du vivre ensemble qui ressort de ce projet. Il y a toujours une appréhension entre néo-ruraux et autochtones. C’est une façon pour les nouveaux habitants de ces territoires de s’approprier ce savoir-faire, et de se rencontrer. C’est aussi une façon de montrer la ruralité d’un point de vue positif. Le fait qu’il y a une restitution collective c’est aussi ce qui nous anime pour leur montrer d’autres initiatives sur d’autres territoires pour tisser des identités qui peuvent se retrouver. Notre mission chez Familles rurales c’est notamment de rendre les habitants acteurs de leur territoire et leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences.

AV : Absolument. C’est important de permettre l’émergence de ces nouveaux récits par ceux qui y vivent et y agissent au quotidien. Il ne faut pas plaquer un récit mais créer des conditions pour que celui-ci soit composé par ses habitants. Un récit fait part toutes ces mains, toutes ces voix, et non pas un écrivain extérieur. Avec Récits de savoir-faire nous voulons contribuer à faire émerger ce récit choral et rendre tous les habitants auteurs de cette narration.

C’est important de permettre l’émergence de ces nouveaux récits par ceux qui y vivent et y agissent au quotidien. Il ne faut pas plaquer un récit mais créer des conditions pour que celui-ci soit composé par ses habitants. Un récit fait part toutes ces mains, toutes ces voix, et non pas un écrivain extérieur. Avec Récits de savoir-faire nous voulons contribuer à faire émerger ce récit choral et rendre tous les habitants auteurs de cette narration

Ariane Vitou, Directrice de la communication et des partenariats chez TErre & Fils

Finalement, les savoir-faire, c’est un patrimoine local vivant ?

DC : Oui, à condition de ne pas les laisser s’endormir et de travailler à leur réactivation, à leur régénération. C’est le cas de l’ail rose de Venès : il y a l’organisation d’une fête qui perdure et ce dispositif va pouvoir amplifier cette dynamique. Je pense aussi au projet autour de la faïence de Rubelles : Récits de savoir-faireva permettre de redonner un second souffle à cette technique de faïencerie en proposant des activités au profit des habitants et des enfants du territoire. Aujourd’hui ce n’est qu’un musée : l’objectif est de le transformer pour assurer la pérennité de ce savoir-faire et permettre de nourrir l’offre touristique du territoire.

AV : C’est notre responsabilité, en tant que mécène et accompagnateur d’acteurs de terrain de bien s’imprégner de ce qui existe déjà. On ne peut pas plaquer nos modes d’emplois et nos imaginaires d’urbains. Au contraire, nous devons accompagner ces projets en partant des besoins et des initiatives du terrain afin de systématiser leur impact et leur développement. D’ailleurs, l’objectif de cet appel à initiatives était d’identifier des ressources et d’accompagner une dynamique avec les forces en présence et les identités des territoires. Nous devons créer les conditions pour que ce patrimoine puisse se développer, se régénérer. Régénérer ce n’est pas refaire comme avant mais réinventer. Une réinvention qui implique des enjeux de mobilisation des jeunes, de nouveaux récits, du lien social, l’intégration de nouvelles populations en ruralité, des logiques de circuits courts, de valorisation des enjeux écologiques. Notre rôle c’est d’accompagner la réinvention de ce patrimoine qui est vivant mais qui a besoin d’être fertilisé par les enjeux actuels. 

Quelles sont les prochaines étapes du projet ?

DC : Dans le projet il y a une forte dimension d’accompagnement en matière d’ingénierie. Pour permettre à chaque projet de se déployer, nous accompagnons individuellement chaque porteur de projet et nous les aidons trouver des solutions à leurs difficultés, en leur donnant des outils pour leur permettre d’avancer. Parallèlement, il y a également un travail d’accompagnement par les fédérations locales. L’objectif est de créer un écosystème favorable à l’émergence de ces projets, sur le terrain.

AV : En plus de cet accompagnement, il nous semblait crucial de favoriser une dynamique collective pour que les porteurs de projet voient aussi dans quel ensemble ils s’inscrivent. Aussi, nous les faisons travailler en collectif sur un ouvrage pour garder une trace illustrée de leurs projets, et montrer que partout sur le territoire, des initiatives émergent autour de la valorisation des savoir-faire. L’illustration permettra de rendre accessible la démarche et de donner à voir ces différents niveaux de liens, pour un public plus large : écoles, écomusées, offices du tourisme etc.  Il en ressortira également des vidéos-témoignages pour mettre en lumière les porteurs de projets, les bénéficiaires et tous les acteurs locaux impliqués : enseignants, offices de tourisme, mairies, seniors et enfants, collégiens, parents, etc. 

Pour permettre à chaque projet de se déployer, nous accompagnons individuellement chaque porteur de projet et nous les aidons trouver des solutions à leurs difficultés, en leur donnant des outils pour leur permettre d’avancer.

Dorothée Cognez

Comment comptez-vous permettre à ces projets de durer dans le temps ?

AV : C’est une première étape d’expérimentation qui nous montre qu’il y a une appétence forte. Nous réfléchissons à pérenniser ce dispositif en lien avec des acteurs locaux, et d’autres acteurs culturels engagés dans le développement local. Cette dimension expérimentale permet de valider qu’il y a un réel besoin d’accompagnement par les porteurs de projet au niveau local, une volonté de faire grandir ces initiatives et de ranimer les savoir-faire locaux au cœur des dynamiques territoriales.

Projets soutenus : 

Si l’ail rose m’était contée (Vénès, Occitanie) : 

Transmettre l’histoire de la culture de l’ail rose, le savoir-faire local par le biais de rencontres, d’ateliers d’écritures.

Relancer un atelier de céramique (Voisenon,Île-de-France) : 

Transmettre le savoir-faire de la céramique activité industrielle renommée au XIXème siècle sur le territoire – aux enfants à  travers la création d’un parcours pédagogique.

Les femmes et le monde agricole (Domjevin, Grand-Est) :

Faire découvrir les savoir-faire agricoles de la région à travers la réalisation d’un podcast ciblant les femmes agricultrices.

L’asperge dans tous ses états (La Marolle en Sologne, Centre-Val de Loire) :

Faire découvrir le savoir-faire agricole lié à l’asperge de Sologne ainsi que toutes les représentations associées à ce savoir-faire. 

Du grain au pain (Charmont sous Barbuise, Grand-Est) :

Retracer l’ensemble des étapes de la filière du blé : de sa production jusqu’à sa transformation en pain

A la découverte de mon quartier et de ses métiers (Béziers, Occitanie)

Faire découvrir le patrimoine d’un quartier historique de Béziers comprenant les vestiges des arènes romaines.

Étapes clés : 

Appel à initiatives : mai – septembre 2022

Réalisation des projets : janvier – mai 2023

Restitution des projets dans un ouvrage collectif : juin 2023