Retour d’expérience sur le programme Entreprendre la Ruralité : capitalisation des outils et des ressources

Sébastien Lévrier a créé l’agence Les Petites Rivières en 2017 avec son associée Anne-Cécile Denis. Spécialisée dans l’économie sociale et solidaire (ESS), l’intelligence collective et la ruralité, cette agence agréée Entreprise solidaire d’utilité sociale a pour objectif de co-construire et de valoriser les enseignements et les ressources mis en place dans le cadre du programme Entreprendre la Ruralité.

Lancé en 2021 par la Fondation Entreprendre, Terre & Fils, la Fondation RTE, et les activités sociales d’AG2R La Mondiale, ce programme a retenu quatre associations lauréates, spécialisées dans l’accompagnement de porteurs de projet à impact : Airelle (Nouvelle-Aquitaine), ATIS (Nouvelle-Aquitaine), La Chartreuse de Neuville (Hauts-de-France) et Ronalpia (Auvergne-Rhône-Alpes). Celles-ci ont accompagné durant 3 ans des projets sur leur territoire visant à favoriser, consolider et faire changer d’échelle des entreprises de territoire autour des ressources locales, notamment des savoir-faire.

Quelles ont été les principales étapes du programme ?

Le programme Entreprendre la Ruralité s’est déroulé en plusieurs étapes successives. Les lauréats ont tout d’abord bénéficié d’un an pour effectuer un diagnostic de leur territoire. Nous savions en effet qu’il ne s’agissait pas de déployer une offre toute faite, mais qu’il fallait répondre avant tout aux besoins exprimés sur le territoire. Cette étape cruciale, souvent peu financée, leur a permis de construire des approches spécifiques, ancrées localement. Les entreprises de territoire accompagnées par les lauréats offrent des réponses diverses aux défis de la ruralité, que ce soit dans le domaine culturel, social ou encore productif.

Les membres du collectif (lauréats, financeurs, partenaires R&D) se sont ensuite rassemblés autour d’une démarche de recherche et développement, formalisée dans un premier temps par un manifeste public pour définir collectivement les enjeux à traiter en ruralité. Enfin, un plaidoyer sur le rôle des accompagnateurs à l’entrepreneuriat dans la revitalisation sociale, environnementale et culturelle des territoires ruraux a occupé le collectif dans les derniers mois du programme.

Pouvez-vous décrire cette démarche de recherche et développement, notamment pour l’accompagnement de l’entrepreneuriat de savoir-faire ?

Grâce aux ateliers organisés avec les différents lauréats, nous avons construit des outils très opérationnels pour accompagner l’entrepreneuriat de savoir-faire : par exemple, comment construire un diagnostic permettant d’identifier et d’activer des ressources locales, matérielles et immatérielles. Nous avons aussi élaboré un quiz pour mieux appréhender les ruralités ainsi qu’un référentiel permettant aux acteurs de l’accompagnement de mieux définir les différentes composantes de l’entrepreneuriat de territoire.

Nous avons également réfléchi sur des modèles d’accompagnement singuliers, prenant en compte les gouvernances hybrides et les compétences transversales mises en œuvre dans les projets où allaient intervenir des acteurs privés et publics, mais aussi les habitants du territoire. Les outils employés pour accompagner l’entrepreneuriat classique ne sont pas adaptés à cette complexité.

Certains partenariats avec les collectivités locales sont allés très loin : la Chartreuse de Neuville, par exemple, a facilité l’émergence de coopérations territoriales pour consolider la filière de la céramique. Après avoir organisé différentes rencontres destinées aux professionnels, ils entament désormais un travail de fond pour obtenir l’indication géographique protégée.

L’expérience de ces 3 ans a-t-elle conforté le discours que vous portiez initialement sur l’entrepreneuriat de territoire ? Quel regard portez-vous sur la contribution des savoir-faire ?

L’expérience a en effet confirmé que les savoir-faire constituent un véritable levier de développement pour le territoire !  Concernant la ruralité, le caractère collectif de la réflexion et de la construction autour des bonnes pratiques d’accompagnement et du plaidoyer a permis de préciser les défis de l’entrepreneuriat en ruralité, avec notamment les problèmes de mobilité, d’accès aux services publics et aux financements.

Pour agir auprès des entrepreneurs de territoire de façon pertinente,  les lauréats du programme ont dû construire une ingénierie et des modes d’accompagnement inédits : des résidences, des itinérances et des temps conviviaux pour aller à la rencontre des habitants, ou encore un accompagnement in situ, notamment dans les tiers-lieux, pour tisser des liens de confiance et de proximité avec les porteurs de projets.

Quelles sont les perspectives pour les lauréats dans les années qui viennent ?

Les quatre associations vont pouvoir s’appuyer sur l’expérience du programme Entreprendre la ruralité afin de poursuivre leur démarche d’accompagnement et de valorisation. Grâce aux nouveaux outils mis en place, ils ont pu révéler ou faire changer d’échelle des entrepreneurs de territoire, que ce soit des élus, des néo-ruraux, mais aussi des jeunes qui reviennent au bercail ou encore des habitants en recherche d’activité et de collectif. L’enjeu à présent va être de consolider cette dynamique collective pour renforcer les liens et pérenniser à la fois les parcours d’accompagnement et les projets accompagnés.

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