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Juillet 2023
T&F Investissement
En novembre 2021, Sophie Salager reprend la Manufacture de Couleuvre, dans l’Allier. À ses côtés depuis février 2022, Terre & Fils Investissement l’accompagne sur le plan financier et stratégique pour renouveler un savoir-faire local, celui de la porcelaine teintée de la masse. Retour sur une première année d’accompagnement.
Je suis historienne de l’art de formation. J’ai commencé ma carrière dans les musées. J’ai notamment été chargée de recherche en art décoratifs au Château de Versailles et au musée de Sèvres avant de monter ma première entreprise – une galerie -, puis une seconde dans l’ingénierie culturelle : Host Paris.
Je ne cherchais pas du tout une manufacture à reprendre, mais plutôt un atelier pour faire des éditions d’artistes sur de la céramique. Je voulais revenir à l’objet. Dans mes recherches, je suis tombée sur les collections de Muriel Grateau, derrière qui se cachait la manufacture de Couleuvre, avec un patrimoine qui n’était plus utilisé depuis une dizaine d’années.
La manufacture de Couleuvre est, dans ma région, la dernière survivante d’un patrimoine exceptionnel retraçant l’histoire des Arts décoratifs français. Lorsque j’ai reprise, elle était dans un état désuet ; la partie qui renfermait les 300 000 moules prenait la pluie sous un toit en taule, avec des chauves-souris qui s’y étaient installées. Côté usine, c’était en état de fonctionner assez rapidement.
Terre & Fils Investissement m’a d’abord aidé financièrement, parce qu’il y avait des investissements importants à faire. Il fallait remettre une partie à neuf, rationnaliser la production et le circuit de distribution. Et puis il a fallu payer l’équipe de production historique pendant près de 6 mois, alors que nous n’avions pas encore de clients. Il a fallu tout reprendre depuis le début et cela prend du temps.
L’équipe de Terre & Fils Investissement m’a également accompagnée sur la recherche de nouveaux financements. C’est compliqué de trouver des financements pour une entreprise savoir-faire, intense capitalistiquement. Ensemble, nous avons pu lever 650 000 euros auprès de la BPI, du Crédit coopératif et du Crédit agricole, pour financer notre croissance.
J’ai aussi été très accompagnée dans mon rôle d’entrepreneuse. C’est important d’avoir un retour sur ce qu’on est en train de faire, et de savoir qu’on a un quelqu’un avec qui échanger. C’est même primordial.
Nous avions le savoir-faire et la technicité, mais en effet, nous n’avions pas les moyens de multiplier notre capacité de production. Ce financement nous a permis d’acheter un four, des imprimantes 3D, un banc de coulage, des zones de séchages, afin de gagner en productivité et de limiter nos déchets.
Absolument. À titre d’exemple, la Studio La Racine nous a fait notre plateforme de marque. C’était un accompagnement nécessaire et très productif, car lorsqu’on reprend une manufacture patrimoniale, on peut être tiraillé entre l’héritage et le renouveau. Ce n’est pas évident de concilier la création contemporaine tout en respectant cet héritage patrimonial. J’avais passé 6 mois à aller d’un côté et de l’autre. La Racine m’a permis d’avoir un autre regard pour amorcer le lancement.
Je suis convaincue que Couleuvre doit participer activement à la vitalité de son territoire et c’est la raison pour laquelle nous avons rouvert le magasin d’usine, travaillons étroitement avec l’école de design locale, étudions la réouverture du musée de la porcelaine de Couleuvre, ouvrirons bientôt la manufacture à la visite du grand public.
Sans aucun doute de passer d’un atelier artisanal à une production semi-industrielle. Cela suppose de passer d’une équipe orientée métiers d’art à une équipe qui fait de la petite et moyenne série. Cette transition est un véritable défi, à la fois humainement mais aussi sur l’outil de production. Réussir à passer en série sur un savoir-faire manuel n’est pas anodin.